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bulleJ Esthétique, éthique et toc...

 
 
"La culture qui rapporte le plus, c'est la culture des poires".
Il est fort désagréable de constater que - dans le domaine esthétique - certains nous assimilent spontanément à ce comestible piriforme. Il est vrai que la demande est telle que cette manne ne peut qu'attirer nombre de bienfaiteurs de plus ou moins haute volée.
 
Petit vade-mecum pour faite fortune dans ce domaine, quand on a la chance d'avoir l'estomac bien accroché :
 
A . Vous n'êtes ni trop médecin, ni trop scrupuleux :
  1. proposer crème, ceinture, appareil, piqûre, plante... pour rajeunir, retendre, raffermir, lisser, drainer les toxines, mincir etc., avec cet intérêt majeur de ne pas avoir à prouver ce qu'on avance. En effet, quant elles existent (rarement), les études correspondantes n'ont aucune validité car elles utilisent des critères "maison" sur un nombre insuffisant de sujets, sont sponsorisées par l'intéressé sans aucun contrôle extérieur... On pourrait croire que ces éléments sont supervisés/vérifiés par le BVP (Bureau de Vérification de la Publicité). En fait, cet organisme émane des publicitaires eux-mêmes et interdit simplement des mots comme "maigrir" - terme qui nécessiterait des preuves médicales ! - en autorisant largement le terme "mincir" qui, lui, n'impose aucune preuve. La sémantique autorisée étant précise, chaque fois qu'il est question de "favoriser...", "d'améliorer...", "participer à..." , vous pouvez être certain que... ça ne marche pas, en tout cas que rien n'a été prouvé. Idem pour les crèmes "lift" dont l'une serait même "anti-gravité"... c'est dire la précision scientifique - acceptée cependant par le BVP qui considère qu'il n'y a pas de quoi fouetter un chat, que c'est la part du rêve et que personne n'est dupe. Dans ce cas, on se demande dans quel but les publicitaires utiliseraient sciemment des termes aussi fantaisistes. Tout aussi "anodine", l'image d'une femme (façon poterie) avec les traits qui s'affaissent, et que l'on retrouve très visiblement liftée (chirurgie lourde) après quelques applications de crème...
  2. choisir le bon circuit de distribution. Par exemple : certains kinésithérapeutes souhaitant mettre leur "compétence" au service d'actes plus rémunérateurs que ceux encadrés par la SS vont se lancer dans des traitements "amincissants". Ce fut le cas avec le "soft laser" qui s'est prolongé une bonne dizaine d'année avant que la supercherie ne soit évidente pour tous. C'est le cas actuellement d'une technique au nom breveté - il faut bien se protéger des voleurs et des charlatans - utilisant un appareil "high tech" qui rend le massage moins pénible tout en ajoutant une touche innovante très tendance. Que les massages manuels ou mécaniques n'aient jamais rien fait sur la cellulite et l'amincissement devient dans ce contexte une question tout à fait déplacée...
  3. ne pas craindre les critiques qui seront de toutes façon rares. Quel intérêt pour un magazine féminin de mettre en cause l'efficacité d'un produit ou d'une technique quand il s'agit d'un client annonceur ? Par ailleurs, dénicher chaque semaine du "nouveau / sensationnel" pour vendre impose de ne pas être trop regardant sur le contenu réel de ces nouveautés. Quand bien même critique il y aurait du fait de l'absence de preuve, il suffit de répondre que c'est au critique de prouver que ça ne marche pas, renversant ainsi la charge de la preuve qui devrait, théoriquement, incomber à celui qui propose la nouveauté. Généralement, le subterfuge marche bien. Ne pas craindre non plus les procès pour publicité mensongère : qui donc va entamer une démarche aussi lourde et onéreuse pour contraindre une marque de crème à enlever de sa publicité le terme "soft lifting", sachant qu'après plusieurs années de procédure la crème sera retirée - nouveauté oblige - au profit d'une crème "relissage extrême" ? Ne pas craindre non plus d'être traité d'escroc puisque cette affirmation tomberait sous le coup de la diffamation...
  4. autre solution : vous vous baptisez conseillère en esthétique et, pour aider votre prochain raté - ou sur le point de l'être - vous lui fournissez contre rémunération quelques noms de praticiens "les moins chers et les meilleurs (du monde ?) pour cette intervention". Le caractère totalement subjectif de cette affirmation doit être contrebalancé par un aplomb suffisant et, pourquoi pas, un accompagnement chez les praticiens eux-mêmes pour montrer à quel point on les connaît bien.... et qu' ils n'ont pas intérêt à rater l'intervention, sinon...!? Reste à convenir d'un éventuel intéressement à ce rabattage tout en gérant les insatisfactions futures inévitables en rappelant que c'était "pour aider"...

B . Vous êtes médecin, et vous avez une conception personnelle de l'éthique :
  1. bonne nouvelle, vous bénéficiez d'une aura diplômée, ce qui vous protège des avis malvenus de béotiens n'y connaissant rien. D'où l'intérêt de décrire vos techniques avec moult formules absconses et vides mais apparemment médicales : cela impressionne toujours. Vous pouvez également expérimenter - contre rémunération du fabricant - des nouveautés en terme de laser, produit d'injection etc. Triple intérêt donc, puisque vous pourrez par ailleurs demander au patient de vous régler des honoraires, tout en faisant avancer la science.
  2. afin de cultiver les médias (journaux / télé...), vous prenez une attachée de presse, même si le Conseil de l'ordre (trop passéiste ?) l'interdit. Dans un cadre humanitaire strict, vous proposez - contre article - quelques gestes esthétiques "gracieux" à la journaliste d'un magazine à la fois féminin et soucieux de la qualité de l'information délivrée. Connaissant les difficultés des petits producteurs TV, vous participerez aux charges financières et techniques (patiente opérée ravie) d'une émission où vous apparaîtrez comme l'expert incontesté. Vous traiterez les ruffians qui ressentiraient quelques allergies de contact devant votre prestation TV en arguant qu'il faut bien démocratiser la médecine et la chirurgie esthétiques et porter la bonne parole aux futurs clients qui ignorent tout des innovations de votre cru. Que cette information se doive d'être délivrée - afin d'éviter toute publicité - par des représentants de la profession ne doit pas vous inhiber : ils ne font pas leur boulot, il faut donc bien remplir le vide.
  3. pour les plus inquiets, vous pouvez créer ou rejoindre une structure (institut médical / clinique...) qui pourra faire de la "communication" sans que personne ne retrouve à y redire, ce qui est une manière élégante de se libérer du carcan subi par les confrères jaloux. Ne pas hésiter à clamer que votre institut est le meilleur avec un "plateau technique" optimal.
  4. grâce à la commercialisation de votre nom/structure, votre agenda deviendra trop chargé pour vous restreindre à un exercice artisanal : place au Taylorisme avec une assistante qui informera le patient vous permettant de ne perdre ensuite que quelques minutes pendant lesquelles il conviendra de rassurer par un grand sourire et une phrase du type : "Ne vous inquiétez pas, vous êtes dans les meilleures mains et je n'ai jamais eu aucun problème". Si l'irréductible tordait encore le nez, ne pas hésiter à affirmer que celui de la chanteuse X bien connue, c'est vous. Certes la déontologie interdit ces bavures du secret professionnel, mais qui pourra vous en tenir rigueur ? Toujours pour gagner du temps (donc de...), faites-vous aider au bloc par quelques petites mains pour les sutures - et plus si affinité - tout en affirmant que vous avez pratiqué l'intervention d'un bout à l'autre si la question, sournoise, était posée : le patient ne peut pas tout comprendre.
  5. si vous n'avez pas la "compétence" ou la "qualification" en esthétique, rassurez-vous : tout médecin peut pratiquer cette discipline sans formation particulière, ce qui serait impossible en cardiologie ou autre spécialité, par ailleurs moins rémunératrices... Si vous êtes qualifié ORL ou stomatologiste, ne restez pas bêtement cantonné à votre domaine de qualification et élargissez votre "compétence" aux seins et à la lipoaspiration. Si un généraliste peut le faire, pourquoi pas vous ?
  6. certes, vous n'êtes tenu qu'à une obligation de moyens mais il est préférable toutefois - le patient est devenu tellement procédurier (maudits américains) - de s'entourer de certaines précautions et faire signer - sans le détailler (perte de temps inutile) - un "consentement éclairé" où il accepte par avance tout ce qui pourrait arriver (cf. également édito Devoir d'information). Si malgré cette arme dissuasive, il est mécontent du résultat, utiliser suivant le cas "c'est dû à votre peau et/ou réaction de votre organisme" ou bien "je vous avais dit que cela pouvait arriver" même si ce n'est pas le cas. Ou encore : évitez de le prendre au téléphone, faites dire que vous êtes parti à un congrès, pour une mission humanitaire en Afghanistan ou au Kosovo, ou les trois à la fois. En cas de rencontre fortuite, ne plus sourire du tout, dire que "c'est dans votre tête que ça se passe", lui dire d'aller voir un confrère pour s'en débarrasser en prévenant qu'il sera de toute façon moins bon que lui. En cas de résistance ultime, la difficulté des procédures juridiques finira normalement de l'achever (cf. également édito L'expertise en question).
  7. si vous exercez à l'hôpital en public, il peut être intéressant d'essayer de nouvelles techniques sans trop en parler au patient qui pourrait se (vous) poser inutilement des questions. Ces innovations permettront quelques publications concernant "ma technique de...." dans la presse médicale, ce qui ne peut nuire ni votre image, ni à votre carrière (cf. également édito Nouveautés en esthétique : et alors ?). D'autant qu'en cas de problème, c'est l'hôpital qui sera mis en cause, pas vous. Cool.
Un esprit chagrin avancerait que le terme "éthique" est contenu dans "esthétique".... mais qu'on peut ne pas s'en apercevoir au premier coup d'œil.
Après tout, pourquoi troubler le rêve des uns et retirer le pain de la bouche des autres !
 
Redevenons sérieux : toute ressemblance de cette mauvaise fable avec des faits existants ou ayant existé serait évidemment le fruit du hasard (poire ?)...
Reste qu'il convient d'être prudent au cas, improbable, où la fiction rattraperait la réalité.
 
 

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